CÔTE D'IVOIRE / FILIERE AVICOLE :
Dr Essoh Franck (Coordonnateur du PAPAN) :  « Nous allons créer 5 mille emplois dans les deux années à venir»

Dr Essoh  Aimé  Franck est le principal Coordonnateur du Programme d’appui à la production avicole nationale (PAPAN). Dans l’interview qu’il a bien voulu accorder à BETAIL D’AFRIQUE, ce vétérinaire explique comment la Côte d’Ivoire peut compter sur le secteur avicole pour son développement.

 Dr Essoh Franck, vous êtes le coordonnateur du Programme d’Appui à la Production Avicole (PAPAN), en quoi consiste le mandat que vous avez reçu du Ministre des ressources animales et halieutiques (MIRAH)?

Dr Essoh Aimé Franck : Le mandat, que nous avons reçu du Ministre des Ressources animales et halieutiques,  est un vaste chantier que nous devons exploiter pour permettre aux Ivoiriens d’avoir en tout temps et en tout lieu de la viande de volaille et des produits avicoles. Donc il y aura la viande et les œufs de consommation. Ce chantier va prendre en compte tous les maillons de la filière avicole, pour permettre à cette filière d’être suffisamment compétitive en termes de production,  de qualité et de prix pour les consommateurs.

Il a été annoncé que des milliers d’emplois seront créés par le PAPAN,  à travers le Projet de modernisation du secteur avicole (PMSA) et le Projet d’installation d’abattoirs industriels de volailles en Côte d’Ivoire(PAV-CI).  Comment comptez-vous atteindre cet important objectif ?

Dr E.A.F : Le PAPAN est un programme et à l’intérieur  de ce programme, nous avons plusieurs projets. Nous avons deux projets qui ont déjà permis de créer plusieurs emplois. Ce dont on parle aujourd’hui, c’est le projet de modernisation du secteur avicole (PMSA) et le projet d’installation des abattoirs industriels de volailles. Ces deux projets que nous allons mettre en œuvre, au cours des deux années qui vont suivre, vont nous permettre de créer effectivement 5000 emplois, surtout des emplois pour les jeunes et les jeunes femmes.

Monsieur le coordonnateur, quel est l’état des lieux aujourd’hui de l’aviculture en côte d’ivoire?

Dr E.A.F : L’aviculture en Côte d’Ivoire  se portait très bien jusqu’aux récentes épizooties de grippe aviaire que nous avons connues. Mais heureusement, nous avons des équipes qui jugulent chaque fois les foyers qui sont déclarés. Nous avons quelques soucis, mais en termes d’activités, c’est une filière qui se porte très bien puisqu’elle est en train de croître. Nous étions à peu près à 56 000 tonnes en 2018, mais les statistiques récentes nous montrent que malgré la crise du COVID-19 et les problèmes sanitaires que nous avons, cette filière continue d’augmenter sa production et aujourd’hui nous sommes autour de 60 000 tonnes. Cette filière se porte très bien mais elle a des objectifs et des ambitions qui vont être mis en harmonie dans le cadre du plan stratégique de relance de  l’aviculture deuxième génération  qui est en cours d’évaluation. Ce plan prévoit, à l’horizon 2030, une production d’à peu près 200 mille tonnes de viande de volailles pour plus de 3 milliards 7 cent millions de consommation. Les projets que nous mettons en place aujourd’hui sont des projets qui vont nous permettre d’atteindre ces résultats et dans un temps relativement court.

Comment comptez-vous mettre en œuvre tous ces projets ?

Dr E.A.F : Nous comptons mettre ces projets en œuvre en restant dans une étroite collaboration avec le secteur privé. C’est vraiment l’instrument de travail du programme, c’est la collaboration étroite avec l’interprofession avicole ivoirienne. Cette collaboration nous permet d’identifier les faiblesses que nous pouvons avoir au niveau de tous les maillons et après, nous allons apporter des solutions pour le renforcement de tous ces maillons pour le renforcement global de la filière avicole. La filière se porte bien et elle a des ambitions qu’elle va atteindre avec la méthodologie que nous allons adopter.

Comment la filière avicole peut-elle aider la côte d’ivoire à atteindre l’autosuffisance en protéines animales?

Dr E.A.F : L’autosuffisance en protéines animales en Côte d’Ivoire peut être une réalité avec la filière avicole. Il s’agit de faire simplement le bilan de ce que nous consommons en termes de protéines. En faisant ce bilan, on se rend compte qu’il y a plusieurs sources d’approvisionnement. Je prends le cas de la viande bovine qui est en grande partie importée des pays de l’hinterland, des pays voisins du nord. Le poisson est aussi importé à plus de 300 mille tonnes de l’extérieur, la viande de porc également importée.  Nous avons localement toutes ces productions qui sont certainement à des égards moins importants que celles de la filière avicole. Cela veut dire que nous allons profiter des avantages certains que la filière avicole a pour pouvoir multiplier ses capacités afin de réduire un peu les importations que nous avons sur les autres spéculations. Ce qui permettra à la Côte d’Ivoire de gagner en termes de ressources financières. Donc il y aura moins de sortie de devises, mais plus de création de richesse à l’intérieur et donc des emplois. La Côte d’Ivoire gagne forcément avec la filière avicole qui est une filière complètement maitrisée, de bout en bout. Nous avons les capacités techniques et infrastructurelles pour réaliser toute sorte d’ambition avec la filière avicole et nous avons aussi un grand nombre d’opérateurs qui sont prêts à investir dans cette filière pour nous permettre d’atteindre tous les objectifs.  Nous avions fixé, dans le premier plan stratégique de relance de l’aviculture, 60 mille tonnes, nous l’avons aujourd’hui et ous sommes en train de fixer 200 mille tonnes. Nous allons atteindre ces 200 mille tonnes et certainement nous allons aller au-delà, pour permettre aux Ivoiriens d’avoir la viande en grande quantité. Il ne s’agit pas seulement de l’avoir en grande quantité, il faut l’avoir aussi et surtout en qualité ; de sorte à ce que si un jour on doit compétir de façon rude avec l’importation de produits avicoles, que nous soyons capables d’avoir les meilleurs prix sur le terrain. Donc il y aura non seulement la quantité, parce que nous allons produire beaucoup pour l’offre, mais aussi la qualité pour pouvoir compétir avec les produits de l’extérieur. C’est vraiment sur ces aspects que nous comptons  apporter une grande  contribution  à la réalisation de l’autosuffisance alimentaire en Côte d’Ivoire.

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Quelle est la place de la formation des jeunes dans votre stratégie?

Dr E.A.F : Dans toute cette stratégie, on ne parle pas de place, car c’est vraiment pour les jeunes. C’est une activité qui est très stressante, qui prend beaucoup de temps  et qui ne peut pas se réaliser seulement les week-ends.  C’est tous les jours qu’il faut travailler. Celui qui fait cela que pour la semaine ou le week-end, ça ne marchera pas. Vous êtes obligés d’avoir une présence permanente  dans cette activité de production avicole. Ce qui suppose que les jeunes, avec  cette activité, ont la possibilité de  devenir des professionnels, des salariés, des personnes très occupées. Les jeunes sont les premiers sollicités, c’est pour cela, d’ailleurs, que dans cette stratégie, le ministère a déjà réfléchi à la problématique de la main d’œuvre en nouant  des partenariats pour la formation des jeunes. Nous avons un partenariat avec l’université Nangui Abrogoua pour permettre à cette université de développer des masters spécialisés en agriculture. Ce ne sont pas les adultes ou les personnes du troisième âge qui sont invités à faire ces masters mais les jeunes qui sortent des licences 3 des différentes universités qui sont appelés à s’inscrire dans ces masters. Nous avons aussi, avec l’Agence emploi-jeune, développer un projet d’insertion des jeunes dans le secteur avicole, parce que, justement, c’est une activité qui demande une main d’œuvre suffisamment qualifiée et solide pour être capable de réaliser cette activité. Avec l’Agence emploi-jeune, nous avons réalisé la formation de tous ces jeunes pour leur permettre d’être aptes à réaliser les tâches qui leur seront confiées. Donc tout ce que nous faisons ici ne touche que les jeunes. Il n’y a pas de place pour les autres. Il n’y a de la place que pour les jeunes. Des jeunes appelés à être des hommes d’affaires, des employés, des concepteurs de projets, des réalisateurs de projets dans la filière avicole sur le territoire national. Il y a eu un premier projet qui vise 3 mille emplois pour les jeunes, deux projets avec les 5 mille postes, c’est à peu près 95 à 97% en faveur des jeunes. Et là encore, nous souhaitons que ce soient de nombreuses jeunes filles qui viennent s’installer dans cette activité.

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Dr Essoh, comment analysez-vous la décision du MIRAH d’interdire la vente de volaille en dehors des marchés, à la veille des fêtes de fin d’année?

Dr E.A.F : Je suis un peu embêté car chaque année les opérateurs sont surpris de cette décision qui n’en est pas une. C’est un communiqué que Monsieur le ministre fait pour rappeler aux opérateurs économiques de la filière avicole, surtout ceux qui sont dans la distribution, qu’il existe une loi qui interdit la vente de produits animaux ou d’animaux aux abords des grandes voies. La vente des animaux est organisée dans des espaces au niveau des marchés que nous connaissons sur le territoire. Donc, il est important que tous les consommateurs courent plutôt s’approvisionner en produits animaux à partir de ces marchés -là. Aux abords des routes, il y a beaucoup de choses que nous redoutons, d’un point de vue sanitaire, financier  et sécurité même des personnes.  Le législateur, depuis des années, a mis en place des dispositions pour cela. Chaque année, le Ministre en charge du MIRAH rappelle cela à travers un communiqué pour que les uns et les autres soient suffisamment sensibilisés et prennent leurs responsabilités afin qu’ils fassent ce qu’il faut pour que cela ne soit pas toujours constaté. Au niveau commercial, il y a des personnes qui sont déjà installées dans la filière et qui vendent dans les marchés et à l’approche des fêtes. Ces personnes espèrent faire les meilleurs chiffres d’affaires et elles ont en face une lourde concurrence qui n’a vraiment pas de nom, qui se retrouve aux abords des routes et qui, évidemment, leur cause beaucoup de problèmes. Par ailleurs, je ne sais pas de quoi vont se plaindre ces vendeurs ambulants dont vous parlez. Nous espérons que cette année, le communiqué que le  ministre Sidi Touré a fait sera bien compris, bien entendu et que les uns et les autres respecteront cela.

Que répondez-vous à des vendeurs ambulants de volailles qui se plaignent et qui accusent le MIRAH de faire l’affaire d’éleveurs privilégiés dans le secteur ? 

Dr E.A.F : C’est d’abord les éleveurs  et les revendeurs installés dans les  marchés qui sont les plus grands plaignants. Ce sont eux qui attendent les consommateurs et la population au niveau des marchés et qui malheureusement ne les reçoivent pas.  Alors ils se plaignent en disant : « Pendant que vous nous avez installés dans les marchés pour que nous puissions offrir la viande et les animaux aux consommateurs, il y a d’autres qui apparaissent et qui disparaissent, qui ne sont connus dans aucun registre et qui se mettent aux abords des routes pour vendre la volaille ». Ce sont eux les premiers plaignants et ce sont leurs plaintes que nous écoutons parce qu’ils sont des professionnels. Ceux qui vendent aux abords des routes ne sont pas des professionnels. Ils ne peuvent même pas se rendre à un bureau du Ministère des ressources animales et halieutiques  et se plaindre parce qu’ils ne sont pas connus. Ensuite, pour le consommateur, le produit que vous prenez aux abords des routes est un produit que nous ne connaissons pas.  Nous n’avons aucune possibilité de contrôler ce produit. Nous ne savons pas quel type de maladie cet animal est en train de  rependre donc nous sommes obligés non seulement de réglementer la vente  de ces animaux sur le territoire, d’interdire au niveau des abords des routes et de surtout nous assurer qui est vendeur d’animaux.  Si nous les connaissions, nous prendrons en compte leur plainte et nous saurons exactement comment les orienter, mais nous ne les connaissons pas. Je vous assure, cela fait plus d’une décennie que je travaille dans cette filière. Il n’y a aucun revendeur aux abords des routes qui puisse venir à mon bureau se plaindre. Quand le communiqué est sorti, j’ai reçu des coups de fil de revendeurs dans les marchés qui ont applaudi et qui nous ont encouragés.

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Comment allez-vous faire respecter cette décision dans toute la Côte d’Ivoire quand on sait que dans la pratique, il y aura forcément de nombreux obstacles?

Dr E.A.F : C’est effectivement là où nous avons beaucoup de difficultés. Il y a un communiqué qui est fait pour rappeler la décision, mais il y a des personnes qui refusent de l’appliquer pour la simple raison qu’elles n’aiment peut-être pas tout ce qui est organisation, tout ce qui est ordonné. Depuis quelques années, l’Etat se donne aussi les moyens de faire appliquer cette décision. Et dans ce communiqué il est rappelé  les moyens qui  existent  au niveau réglementaire, même au niveau pratique  avec les forces de l’ordre et la police  sanitaire du Ministère. Ce qu’il faut aussi rappeler, c’est que tous les vétérinaires et le ministère des Ressources animales et halieutiques  sont pratiquement dans la police sanitaire. Les agents du Ministère des ressources animales et  halieutiques, quel que soit leur lieu, sont habilités à saisir ces animaux aux abords des routes et nous avons déjà mandat pour agir dans ce sens. Notre carte de police sanitaire est un mandat qui nous autorise à agir quand nous constatons quelque chose qui n’est pas bien sur le terrain. Donc nous nous donnons les moyens de faire appliquer cela. Nous avons les hommes aussi qu’il faut. Seulement, quand je parle de problème de sécurité, c’est parce que très souvent, ne sachant pas à qui nous avons affaire, nous avons besoin de nous faire accompagner par les Forces de l’ordre et c’est seulement dans ce cadre-là que  vous pouvez constater des courses poursuites aux abords des routes parce que des personnes fuient avec leurs animaux.  Mais tout cela n’est pas bien. Nous sommes un pays bien organisé. Nous avons l’Etat qui a réfléchi sur tout ce qu’il faut pour organiser nos activités, les uns et autres doivent respecter ce qui est décidé. Je pourrai ajouter que le maillon le plus important dans cette lutte au niveau pratique,  ce sont les consommateurs. C’est d’inviter les consommateurs à éviter complètement l’achat des produits et des animaux vivants, vendus aux abords des routes. Eviter cela pour leur propre sécurité physique, alimentaire et aussi pour ne pas se faire arnaquer parce que souvent c’est aux abords des routes que nous parlons de flambée des prix. Ce qui se passe dans les marchés est sous notre contrôle. Je peux vous assurer que depuis des années, le prix du poulet est pratiquement stable. Quand on dit que le poulet coûte cher, souvent c’est dans les circuits non conventionnels.

Quel message envoyez-vous à celles et à ceux qui veulent se Lancer aujourd’hui dans le secteur avicole ?

Dr E.A.F : A celles et à ceux qui souhaitent s’investir dans la filière avicole, nous disons à ces personnes que l’aviculture est une activité agro-industrielle. Je dirai même que c’est un business beaucoup plus important  que l’agriculture primaire que nous avons ici en Côte d’Ivoire. C’est une activité qui permet à la personne de recevoir des recettes mensuelles et quotidiennes, à la différence de certaines spéculations agricoles ou d’élevage où vous êtes obligés d’attendre des périodes pour pouvoir gagner de l’argent. L’aviculture est une activité qui se fait à plein-temps et donc vous êtes obligés de vous faire identifier en tant que professionnel de cette activité. J’invite celles et ceux qui sont intéressés par l’aviculture  à prendre cette activité comme étant la principale et non une activité secondaire pour que véritablement ils puissent s’en sortir.

Réalisée par MYNA

Photos : BETAIL D’AFRIQUE

 

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